- MORIKAGE (KUSUMI)
- MORIKAGE (KUSUMI)Au début du XVIIe siècle, lorsque Ieyasu fonda le sh 拏gunat des Tokugawa, il chargea les Kan 拏 de décorer son château de Nagoya, puis fit choix de Tany , tout jeune encore, pour peindre les fusuma de sa nouvelle résidence d’Edo. Kan 拏 Tany devint ainsi le chef de l’atelier sh 拏gunal et se fit seconder par des membres de sa famille et par de nombreux élèves. Concevant les compositions de ses importants décors, il les faisait exécuter par son atelier, réduisant ses disciples au rôle de simples tâcherons. Parmi ce nombreux personnel, Momota Ry ei, Kotari J 拏an, Ogata Y gen et Kusumi Morikage étaient considérés comme les plus doués. Mais Morikage n’aurait pu à la longue supporter la discipline rigide imposée par Tany et, fait très exceptionnel, décida de quitter son maître.Un déserteurOn ignore presque tout des origines et de la vie de Morikage. On sait, cependant, qu’il avait épousé la nièce de Tany , et ces liens familiaux durent rendre sa désertion plus grave encore. Bien qu’il ait, dit-on, parfaitement assimilé le style de son maître, au point que celui-ci ait pu apposer son cachet sur quelques peintures de l’élève, certaines traditions l’accusent de divers méfaits: il aurait aimé la boisson et se serait plu à hanter les mauvais lieux. Mais il n’est pas sûr que cela soit exact. De même connaît-on mal les circonstances de son départ: il aurait pris sa décision à Ky 拏to alors que Tany peignait pour le palais impérial un paravent orné de Sages confucéens. On le retrouve à Kanazawa où il resta six ans au service des Maeda, daimy 拏 de Kaga, et bon nombre de ses œuvres ont été recueillies dans cette région. Il aurait aussi décoré des porcelaines de Kutani, fabriquées à la fin du XVIIe siècle pour une branche cadette des Maeda, celle de Daish 拏ji.Les sources d’une inspirationLa plupart de ses peintures n’étant pas datées, il est difficile de suivre l’évolution de Morikage. Tout en s’inspirant du style de Tany , il semble avoir été attiré par des genres très divers. Dans sa représentation d’un Sage accompagné d’une grue , au milieu d’un paysage, on remarque la simplicité de la composition et l’élégance du trait qui évoque celui de Naonobu, le frère de son maître.Mais il semble surtout s’être inspiré du lavis de l’époque Muromachi, imitant avec bonheur Sessh dans son paravent des Quatre Saisons , et remontant même à Muqi dans son Sennin (Sage taoïste ) et dans ses Corbeaux évoluant au-dessus de pins couverts de neige, œuvre d’une grande maîtrise. On retrouve la même inspiration dans plusieurs peintures, modelées par petites touches très chargées d’encre, où des Singes tentent de pêcher dans l’eau le reflet de la lune. Ce thème célèbre avait déjà été traité par Hasegawa T 拏haku, avec plus d’autorité et de profondeur.Certaines œuvres de Morikage sont dans le style des Tosa et, selon Isamu Ijima, il aurait pu subir l’influence des Sumiyoshi, qui travaillèrent dans l’atelier impérial. Le paravent du Bugaku (danses de cour), celui des Courses de chevaux au sanctuaire de Kam 拏 sont rehaussés de couleurs vives empruntées à la peinture traditionnelle, mais avec des traits plus souples et parfois un peu mièvres. Morikage connut aussi les e-makimono anciens, comme semble le prouver le paravent consacré à la Cueillette du thé à Uji (collection Okura, T 拏ky 拏).Il excella surtout dans les paysages, reprenant souvent un vieux thème chinois qu’avaient adopté les Kan 拏 dès l’époque Muromachi: les travaux des champs qui permettent d’évoquer les quatre saisons. En l’absence d’éléments datés, il est difficile de suivre le développement de ses divers paravents. On remarque, cependant, le passage d’un style – émanant de son maître – où éléments architecturaux et personnages sont chinois, à des motifs plus personnels dont les détails sont empruntés à la vie des paysans japonais. Les paravents conservés au Musée commercial de Kanazawa appartiennent à ce second style et révèlent une vive compréhension de l’existence campagnarde; en même temps, leur composition plus libre semble se dégager de modèles devenus conventionnels.Ce sens de la vie rurale s’exprime tout particulièrement dans le paravent à deux feuilles Prenant le frais, le soir (N 拏 ry 拏 z by 拏bu ), dont l’organisation est très originale: trois personnages, un paysan, sa femme et son jeune enfant, sont étendus ou assis sur un tatami posé à même le sol sous une treille appuyée contre leur humble demeure; ils contemplent la lune qui brille dans un ciel occupant la moitié de la composition. Tracée à l’encre d’un trait à la fois souple et plus vigoureux que d’ordinaire, l’œuvre exprime à la fois une grande sérénité et une certaine mélancolie. La liberté du pinceau se manifeste dans le dessin appuyé de l’homme étendu sur la natte, qui contraste avec la délicatesse du corps féminin assis demi-nu à ses côtés, dans le traitement varié des gourdes et du feuillage où alternent des touches très encrées et d’autres plus légères. Ce paravent, fort prisé au Japon, donne à comprendre l’originalité de Morikage. Il y révèle un sens de l’humain que l’on chercherait vainement dans les œuvres plus extérieures de Tany ; et l’on a pu dire que, si ce dernier avait japonisé la peinture chinoise, son élève avait fait, à la chinoise, de la peinture japonaise.
Encyclopédie Universelle. 2012.